Au fil de nos livres d’histoire

A propos de Varennes

 

Pourquoi un château ici, à deux pas de celui de Murol, à deux pas aussi de Chambon sur Lac , où exista également une construction féodale ?

 

Remontons le fil du temps et retrouvons Sidoine Apollinaire, évêque d’Auvergne en 471. Il écrivait : « Je ne dis rien du charme particulier de ce pays, je ne dis rien de cet océan de blés dans lequel les ondes qui agitent les moissons sont signes de richesses. Les montagnes lui font une ceinture de pâturages à leurs sommets, des vignobles sur leurs coteaux, des fermes aux endroits cultivables, des châteaux sur les rochers ». Déjà au Vème siècle, un grand nombre de forteresses rurales étaient donc situées dans les montagnes et sur des hauteurs rocheuses.

En introduction, il nous faut citer Gabriel Fournier, lequel écrit dans la Revue d’Auvergne, tome 75 : « On sait qu’au cours des X-XIèmes siècles, apparut et se répandit en Occident un nouveau type de forteresse, caractérisé par la présence d’une motte, c’est-à-dire d’un tertre tronconique construit en terre rapportée… Durant le Haut Moyen Age, on avait passé des forteresses des époques mérovingiennes et carolingiennes, qui souvent de grandes dimensions et aux contours lâches, étaient restées dans la tradition des oppida celtiques, au château à motte qui, avec sa superficie plus réduite, son plan plus resserré et plus cohérent, est le prototype du château des derniers siècles du Moyen Age ».

L’apparition, la multiplication de ces mottes castrales, le développement de la féodalité, ces seigneuries étroitement imbriquées les unes dans les autres résultent de l’affaiblissement du pouvoir central, mérovingien d’abord, puis carolingien à la fin du Xème siècle. Développement de l’insécurité, besoin de protection des populations : ces mottes castrales, ces petits châteaux étaient pourvus de loges pouvant accueillir la population en cas de risques. L’affermissement du pouvoir de l’église, le transfert de biens aux monastères à partir de la seconde moitié du XIème siècle, biens possédés auparavant par des petits chevaliers locaux, ont pu également entraîner en réaction l’édification symbolique de mottes face aux clochers.

Un château ici à Varennes ?  Non, pas un, mais deux ? !!!

Car, nous promenant sur le chemin de crête qui longe d’un côté La Dent du Marais, vestige d’un volcan ancien, de l’autre les prés surplombant le village de Beaune le Froid, nous trouvons les lieux-dits « La Garde de Varennes », puis «Varennes ». Descendant ensuite vers le lac Chambon, nous trouvons «La Mouta», la motte, et enfin un peu plus bas, la motte castrale avec les vestiges d’une construction féodale, objet de nos soins aujourd’hui.

Deux mottes, deux constructions ? !!!

 

Les seigneurs de Varennes

Alors, qui furent les premiers seigneurs connus à Varennes ?

On sait que les premiers seigneurs de Murol, issus de la famille d’Amblard d’Apchon, portaient le nom ou le surnom de Chambe ou Chamba. Une hypothèse a été émise, selon laquelle ils se seraient d’abord établis à Varennes avant que de rejoindre Murol.

Ensuite, Gabriel et Pierre François Fournier nous disent dans leur livre «  La Vie Pastorale dans les montagnes du Centre de la France », livre nourri du Fonds d’Archives du Monastère Saint André de Clermont, que « les Montaigut , seigneurs du château et de la terre de Varennes sur Chambon sur les bords du lac du même nom furent également jusqu’en 1248 vassaux des comtes de Clermont pour le tènement de Chaufayet, limitrophe de celui de la Védrine ». Ces Montaigut étaient, selon eux, « probablement originaires de Montaigut le Blanc ». Le premier mentionné est en 1256 Etienne de Montaigut, il l’est de nouveau en 1259 avec son fils Hugues, puis Hugues seul en 1265.

Hugues 1er de Montaigut, marié à Valencie, ses enfants Hugues et Eldin, ainsi qu’Alasie, épouse de Hugues, sont ensuite nommés pour avoir fait un échange en 1288 avec les religieux. Nous faisons ainsi connaissance avec Hugues II de Montaigut, seigneur de Varennes. C’est lui, nous dit Remacle dans son Dictionnaire des Fiefs, qui  «rend hommage en 1327 à Jehan, pour ses chastel, hôtel et ville de Varennes».

Un château, un hôtel ( ou maison forte) et un village ! Deux enfants, Hugues et Eldin, y eut-il alors co-seigneurie ?

Remacle nomme ensuite Hugues III  de Montaigut, vivant en 1395, seigneur de Varennes, puis sa « fille et héritière, Alieurs de Montaigut, dame de Varennes ».

Ecoutons maintenant Pierre Charbonnier :

« cette dame que Remacle nomme curieusement Alieurs est Jeanne de Montaigut, qui possédait donc la seigneurie de Varennes en 1407 et l’apporta en dot  à Jean de Rochefort, seigneur de Préchonnet : leur fille, unique descendante, Louise de Rochefort épousa Blain Le Loup, seigneur de Beauvoir et lui apporta donc en dot la seigneurie de Préchonnet et celle de Varennes. Leur fils, Jacques Le Loup, était seigneur de Varennes en 1478. A cette époque, une vente prévue à Bertrand de Murol échoua, ce dernier mourant à la guerre de Bourgogne ».

Jacques Le Loup vendit alors la seigneurie de Varennes à Anthoine de Puyrenaud, écuyer, sûrement un familier, en tous cas un voisin, sinon un vassal, Préchonnet et Puyrenaud étant situés sur la même commune, Bourg Lastic, en Combrailles. C’est lui qui revend en 1498 la seigneurie de Varennes à Jean Drulhon, bourgeois de Clermont.

Varennes fut ensuite porté, nous  dit Remacle dans son ouvrage précité, par sa fille Dyne « à Michel d’Albiat, seigneur de La Combaude et de Beaupré, bourgeois de Montferrand, décédé avant 1524». « Leur fils, Ant. d’Albiat, seigneur  de  Beaupré et de Varennes,  garde des sceaux au Bailliage de Montferrand, mourut sans postérité ».

En 1543, Gabriel d’Estaing, seigneur de Murol , achète la seigneurie de Varennes. Nous savons par Pierre Charbonnier « qu’il l’achète à Michel de Veyny, lequel est bien seigneur de Varennes en 1542, l’ayant sans doute achetée au gendre de Jean Drulhon ». Nous avons également eu connaissance par lui d’un aveu et dénombrement de 1723 où François d’Estaing après avoir présenté la seigneurie de Murol indique vers la fin de sa déclaration « plus la seigneurie de Varennes, le lac de Varennes et la montagne du Sauzet ».

Mais, énigme !!??

Car, dans un terrier de Murol, daté de 1605 (source : Archives privées), nous lisons la phrase suivante : « …. Plus à ce compris le tènement de Leyrenoux mouvance de la seigneurie de Varennes acquise par ledit feu seigneur d’Estaing de feue dame Alix Petitfrère … »

Pourtant l’acte de vente ne laisse aucun doute : c’est bien Michel de Veyny qui vend la seigneurie de Varennes à Gabriel d’Estaing en 1543 !

Alors, qui est Alix Petitfrère ?

Le testament de Jean Drulhon, lu pour nous par Pierre Charbonnier (A.D.Puy de Dôme, 21H, liasse 7), apporte une certitude : Alix Petitfrère est bien la deuxième épouse dudit Drulhon, à laquelle la seigneurie de Varennes est léguée en douaire, conformément à leur contrat de mariage.

Remacle serait donc dans l’erreur, quand il prénomme Charlotte la seconde épouse de Jean Drulhon, puis quand il dit que la seigneurie de Varennes est apportée en dot par leur fille Dyne Drulhon à Michel d’Albiat.

Mais quel est le lien entre Alix Petitfrère, dame de Varennes et Michel de Veyny ?

Francine Leclercq, dans une Petite Suite de Remacle, publiée dans un mémoire de l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Clermont, nous apporte une réponse que cite et confirme Pierre Charbonnier : « Alix Petitfrère fait don de tous ses biens à Michel de Veyny, le 18 Septembre 1535, lors de son mariage avec Anne de Bayard ».

Oui, mais quel lien a pu exister entre eux ?

 

Ni hôtel (ou maison forte), ni château!

 

Que s’est-il passé ?

Deux hypothèses sont à envisager :

  • L’ abandon : on peut penser qu’à partir du moment où Varennes passe par alliance dans la maison de Rochefort, il cesse d’être habité par ses seigneurs, à fortiori en 1497 quand il est vendu à Jean Drulhon.
  • Les guerres de religion.

 

De l’importance de la seigneurie de Varennes au Moyen-Age

  • «dans les années 1267 – 1285, les Montaigut étaient également seigneurs de Mareuges, qui s’étendait à l’est de Chaufayet et de la montagne de la Védrine», nous disent Pierre François et Gabriel Fournier.
  • Ils possédaient la moitié du lac Chambon.
  • Ils avaient le droit de justice dans leur seigneurie.

Un document communiqué par Pierre Charbonnier indique le texte d’une lettre de Guillaume de Murol à son frère Amblard, rédigée dans un vieux français mêlé d’occitan : « Item le mas du Cheyr lequel je ay acquis par permutation de Peyre de Jonat, esquier, avec les mas del Fraisser et autres cens et rentes que je avoye à Rochefort. Auquel mas du Cheyr, la dama de Varennes demanda la jutisa et dit que li appartient et par ainsi je ne seroie tenu de confesser sinon les cens et rentes et la directa seignorie. Item ledit mas est de présent vaquant ».

Où l’on voit donc lors de l’achat d’un bien par le seigneur de Murol la dame de Varennes  demander que lui soit maintenu son droit de justice sur ledit bien.

Autre information toujours communiquée par lui, montrant la considération dont jouissaient les seigneurs de Varennes :

« Lors d’une vente conclue en 1280 entre les frères Ruylheyr et une dame Hugue, de Murol, vente d’un pré et d’un bois appelés Prat Redon, l’acte a pour garants Jean Chamba, seigneur de Murol, Casto Comitor, seigneur de Saint Nectaire et Hugues de Montaigut, seigneur de Varennes, ainsi placé au rang des deux autres.

Voilà, vous êtes maintenant sur la motte castrale de Varennes, sous vos yeux scintille au soleil le lac Chambon. Oubliez la route qui le longe : elle date seulement de 1927.

Ecoutez : « La beauté de ce site, le voisinage du lac, la présence d’une île et les ruines du château de Varennes qui sont près de là, ont fait supposer à quelques auteurs que l’habitation de l’illustre Sidoine Apollinaire était sur les bords de ce lac plutôt qu’à Aydat », ainsi écrivait l’abbé Cossé, dans ses Souvenirs de  Voyage, ou  les Vacances en Auvergne, publiés à Clermont en 1857.

Pensez aussi à Robert de Turlande : vous êtes à La Chaise Dieu, dont un prieuré exista à Chambon sur Lac.

La route, autrefois, allait sous vos yeux, au milieu du hameau de Varennes, vers Chambon, vers le col de Diane, vers la vallée de la Dordogne, vers la Haute Auvergne mais aussi vers l’Atlantique : c’était pour La Chaise Dieu, comme l’a bien dit Jean Luc Fray, la Route du Sel.

 

Jean Paul Pasdeloup

pour Varennes en Mouvement,

avec l’aimable autorisation de Gabriel Fournier et de Pierre Charbonnier